mercredi 1 octobre 2008

Causalité et géographie de Paul Claval...

SOMMAIRE


Introduction


1. Histoire de la causalité.

1.1. De l'antiquité au XIX ème siècle.

1.2. Du XIX ème au XX ème siècle.

1.3. La nouvelle causalité: du passé vers le futur!

1.4. La géographie science transversale: du naturalisme au développement durable
.


2.Un ordre existe! Mais lequel?


2.1. Milieu et déterminisme, analyse de situation et possibilisme.

2.2. Structuralisme, fonctionnalisme et systèmisme en géographie.

2.3. Les révolutions postnaturalistes et posfonctionnalistes.


2.4. Vers un espace vecteur d'identités.


Conclusion


3-Critiques


Annexes



Introduction:

Il semble un peu dérisoire dans le déroulement d'une pensée, de partir d'une notion dans le but d'aller plus loin, pour finalement y revenir. Mais l'histoire se déroule avant tout dans le temps, c'est pourquoi j'ai décidé d'en revenir aux fondamentaux, pour lui donner un nouveau sens. Non plus dans le but de traité du temps dans son ensemble, mais de ses propriétés, dont une en particulier a fait largement recette chez les scientifiques. Il s'agit du concept de causalité découlant de la flèche du temps. Mais oui, rappelez vous la fiche de lecture sur Etienne Klein où nous avons dit qu' « en physique on distingue le cours du temps et la flèche du temps. Le cours du temps désignant la succession des événements et la flèche du temps le devenir des choses c'est à dire leurs changements, leurs transformations c'est donc une propriété des phénomènes temporels. ». Rajoutons aussi, que le temps englobe le réel. Il en ressort donc, que comprendre les secrets de la causalité, revient à donner des schémas pour expliquer le réel. Paul Claval la bien comprit. C'est pourquoi il a écrit ce remarquable ouvrage synthétique sur le concept de causalité et ses rapports avec la géographie. C'est d'ailleurs du haut de son expérience de vingt cinq ans d'enseignement à l'université de Paris-Sorbonne que Claval rédige cet ouvrage. d'un Essai sur l'évolution de la géographie humaine (1964) et de Régions, nations, grands espaces (1968), il a rapproché la géographie française de l'économie et des sciences sociales, ouvert la discipline aux courants nouveaux (modélisation et géographie quantitative) venant des pays anglo-saxons. Son oeuvre a ainsi largement été focalisé sur les problèmes d'histoire et d'épistémologie de la discipline. C'est ce que cet ouvrage révèle. Ainsi la causalité est une notion vaste et inconnue dans notre univers, bien que l'on y fasse souvent allusion. Car rien n'est sûr dans notre monde, ou rien n'est prédit d'avance. En physique déjà, nous avons vu que pour y faire allusion le physicien doit s'extraire du temps. Ce temps si contraignant pour lui, et si mortel surtout. Mais le chercheur en sciences humaines ne peut s'y extraire, ce serait sa plus grosse erreur. A ce moment il s'est confronté à sa première mais plus grande difficulté: nous sommes imprévisibles. Vivons-nous dans le chaos? Quel peut être l'ordre qui régi les choses en ce monde? Comment le chercheur s'y retrouve t'il? Peut-on établir des schémas causaux infaillibles comme pour les sciences physiques et naturelles? Comment l'homme doit se situer par rapport à ces schémas causaux? Pour répondre à ces questions, nous verrons en premier lieu l'historique de la causalité dans les sciences en général, puis dans second lieu déterminer l'ordre ou plutôt les ordres établis par les géographes dans cette conceptualisation de la causalité. Finalement, la critique viendra donner quelques précisions épistémologiques en rapport avec l'histoire.

1-Histoire de la causalité.

« La démarche scientifique a pour but de construire des savoirs qui tranchent avec ceux de la vie quotidienne par la rigueur des procédures et des raisonnements qu'elle met en oeuvre ». Pour cela elle ne doit pas uniquement miser sur l'explication, elle doit aussi faire de l'analyse, du descriptif, du système, et de la typologie. Mais la démarche scientifique ne s'épanouit totalement que lorsqu'elle devient explicative: les facteurs, variables, ou forces responsables du phénomène observé, et les mécanismes à travers lesquels ils interviennent sont alors mis en évidence. Le présupposé général des liens de causalité est l'existence d'un temps linéaire: la cause précède l'effet- et d'un espace continu- c'est par action directe sur les éléments présents au lieu où s'observe le phénomène qu'intervient la force ou le facteur considérés.

1.1 De l'antiquité au XIX ème siècle.

Cependant ce n'est pas le seul lien de causalité qui peut exister entre les phénomènes. C'est ce que l'on va découvrir au cours des siècles.
Ainsi selon Aristote, le monde est normalement un système où les corps, qui occupent leurs lieux propres, sont en équilibre. Dans ce sens, la nature de la causalité est découvert par une réflexion intellectuelle basée sur son essence, avec peu de place aux données empiriques, cette explication ne dépasse malheureusement pas le stade descriptif, et pour longtemps encore. C'est à partir du XVII ème siècle que se voit formulé les premières interprétations modernes de la causalité. On ne parle plus de la force intérieur des choses car l'esprit humain et jugé limité face au dessein du créateur selon Francis Bacon, mais d'une compréhension extérieur. La causalité linéaire et née. On arrive à affirmer que A précède et provoque B, c'est la conception mécanique défendu par Newton au sujet de la mécanique céleste qui va être reconnu sur le plan scientifique. Au XVIII ème, XIX ème siècle, l'analyse de la causalité va prendre d'autres formes chez les naturalistes. En effet, les catégories que le naturalisme distingue sont de plus en plus fondés sur des traits pertinents dans le domaine biologique. Trois types de curiosités se combinent pour expliquer les mutations à l'oeuvre à l'époque.
– En premier lieu, la médecine moderne, en mettant l'accent sur l'analyse des symptômes dans un premier temps. Puis au travers de la théorie des miasmes sensésêtre émanés des lieux putrides, favorables à la maladie. Finalement, c'est la théorie pastorienne qui établi la causalité au sens moderne du terme, en établissant le lien entre les micro-organismes et la maladie.
– En second lieu, la biologie, qui en mettant l'accent sur l'état homéostatique du fonctionnement de l'organisme, à du insister sur la causalité présente, car l'état présent qui règle les entrés dans l'organisme et assure le maintien et l'équilibre.
– En troisième lieu au travers de la causalité évolutionniste. Darwin et Lamarck vont inventer deux types de causalité, selon que l'évolution dépende d'une dynamique interne aux espèces pour Darwin ou externe liés à l'environnement pour Lamarck. ( mutationisme et transformisme)
Au XIX ème-XX ème siècle le principe de causalité rentre dans le domaine des sciences sociales, avec leur émergence et leur mutation à partir de la fin du XVIII ème siècle. Les économistes vont longtemps nier l'existence d'une causalité propre à l'homme, en postulant que l'homo oeconomicus a un comportement assez rationnel pour qu'il soit compris par introspection. On utilise donc pour le caractériser le modèle classique de la causalité mécanique. Cette logique va connaître son point culminant avec Schumpeter dans les années 50, pour être remise en causes par la suite. Dans la compréhension de la causalité, Hegel va avoir une influence importante, en insérant, dans cette compréhension de la réalité, la notion d'échelle. Ainsi d'après Hegel il faut changer d'échelle et s'en tenir aux grandes tendances de l'histoire. De la même façon Hegel et Marx vont développer les démarches dialectiques. D'après cette démarche, deux facteurs A et B sont en interaction, en rapport conflictuel, et leur fusion au bout du compte donnerait une nouvelle réalité C. Très intéressante pour le philosophes qui veut décrire des évolutions, cette logique échappe aux praticiens des sciences sociales, ce qui limite sa portée immédiate sur le plan conceptuel. En parallèle, au début du XIX ème siècle, se développe une pensée antagoniste à cette conception des choses. C'est l'historicisme des sociologues allemand, dont le chef de file est Max Weber, avec pour but de décrire des situations dans leur diversité historique et d'élaborer, à partir de ces matériaux, des typologies datées et situées.
Une vison différente s'ajoute à la précédente. D'après celle-ci, ce sont les hommes qui ont modelés les sociétés dans lesquelles ils vivent. Ils échappent par essence au déterminisme mécanique dans lequel on les a placés. En Allemagne, on diffère alors les sciences morales, des sciences sociales. Ces dernières tentent plutôt de comprendre les motivations des hommes justifiant leur actions tandis que les sciences sociales ne s'attachent uniquement qu'à expliquer les mécaniques. L'historien Wilhelm Dilthey (1883-1911) propose donc de remplacer la psychologie « causale et explicative » par une « descriptive et compréhensive ». Max Weber, qui a vécu cette opposition entre tenant de l'historicisme et de l'analyse économique, va tenter de concilier les deux, à la fois dans sa mesure explicative et compréhensive. C'est le modèle de l'idéal type.

1.2. Du XIX ème au XX ème siècle

Se développe par la suite un autre concept déterminant dans la conception de causalités en sciences sociales, c'est la découverte de l'existence de structures. Appliquée d'abord en linguistique, puis en anthropologie, ce concept postule que si les ensembles apparaissent comme harmonieux, c'est que les éléments qui les composent entrent dans une combinatoire qui assure leur cohérence. Ces structures peuvent ainsi être aspatiale et atemporelle en linguistique, ou bien uniquement aspatiale en anthropologie, spatiale en géographie, et temporelle en histoire! Ces interprétations structurelles ont pour caractéristique principale de faire prévaloir le tout sur la partie, lissant parfois les particularités. Chronologiquement, c'est après la seconde guerre mondiale que le structuralisme sort du domaine de la linguistique, pour passer à celui de l'anthropologie par exemple à la rencontre de Levi-Strauss et Roman Jakobson.

Durant l'entre deux guerre se surajoute une nouvelle propriété de la causalité. C'est la notion de rétroaction ou feed back, d'abord dans le domaine de la radio, et des radars lors de la seconde guerre mondial. Puis de la cybernétique (c'est parce que des informations prélevés dans le système étudié sont réinjectées à ses entrées que sa régulation est possible) au début de la guerre froide. Par la suite dans le courant des années 60, ces recherches s'accentuent mais ne s'attachent plus seulement à de petits ensembles, mais à de vastes systèmes tel que l'écosystème ou le géosystème par exemple. La multiplication des effets de rétroaction conduit à la généralisation des jeux de la causalité réciproque. On s'intéresse donc à l'ensemble, formant un tout, en établissant une causalité systémique, seul solution valable pour expliquer les schémas de la causalité dialectique.

1.3. La nouvelle causalité: du passé vers le futur!

On se retrouve donc à la fin du XX ème siècle avec un ensemble de type de causalité en science social. Ceux ci ont été recensés par Michel Berthelot:
1- causalité mécanique
2-Causalité fonctionnelle (reposant sur le jeu des rétroactions)
3-Causalité structurelle.
4-Causalité dialectique
5- Interprétation herméneutique c'est à dire que le signifiant A renvoie systèmatiquement au signifié B et à autre chose C, une force un pouvoir.
6- Interprétation actantielle.
7- Interprétation collective (non cité par Berthelot).

Et aujourd'hui?

Nous sommes actuellement dans des épistémologies que l'on désigne comme étant post-modernes. On prend désormais en compte dans la causalité: le passé, le présent, et ce qui est nouveau le futur. En effet, les épistémologies post-modernes considèrent que la manière dont les gens se projettent dans le futur explique en bonne partie leur comportement présent. A ce discours s'en rajoute un autre, la « déconstruction » des discours toujours contaminés par les intérêts de ceux qui les tiennent. Cette idée est prônée par des philosophes comme Barthes ou Derrida. C'est ce à quoi s'emploie, en Amérique en particulier, la génération de l'épistémologiquement correct.

1.4. La géographie science transversal: du naturalisme au développement durable.

Les géographes s'intéressent à la fois aux aspects physiques, biologiques et humaine de la terre. Elles recoupent donc plusieurs réalités habituellement isolés par les chercheurs. On peut faire un découpage chronologique de ce recoupement du XIX ème siècle à aujourd'hui.
Au début XIX ème siècle, la géographie est naturaliste. On défini alors des sphères propres à chaque partie de la terre: atmosphère, lithosphère, hydrosphère, biosphère et noosphère pour l'homme. Côté naturel, on parle aussi de milieu ou d'environnement. Pour comprendre comment les hommes s'insèrent dans le milieu ou ils vivent, il faut étudier leurs genres de vie. En s'intéressant moins aux villes, car elles dépendent surtout des relations quelles tissent avec le monde extérieur. On étudie alors le site et la situation mettant en évidence les opportunités qui s'offrent à l'échange. Au niveau physique, on distingue des régions naturelles considérées comme géographiques en y ajoutant l'effet des transformations humaines. le lieu, désigne donc la matérialité de la surface terrestre, des établissements humains présent.
A partir de 1950, se dessine une autre géographie, non plus naturaliste, mais conçu comme une science sociale. On parle beaucoup moins de surface, auquel l'on préfère le terme d'espace. Les liens homme, milieu ne sont plus au centre des discussions. On s'intéresse plutôt aux relations que les hommes tissent entre eux par des réseaux en fonction des distances. Dans ce thème les villes deviennent des lieux centraux ou se tissent des réseaux. Plus de circulation, de transports et de communications. On s'intéresse désormais à l'organisation de l'espace, avec des région économiques et polarisés. La nature est perçu en termes de ressources et de risques...
C'est à partir des années 1970, qu'il y a un sérieux retour à la terre comme thème majeur, croisé avec l'apport épistémologique des sciences sociale. C'est l'écologie. Il y a des relations de dépendances entre le milieu et les hommes. On insiste moins sur l'organisation de l'espace et l'on établi de nouveaux concepts. Le lieu fait son grand retour, dans un sens élargie au relation entre milieu, point d'attache, et de rencontre. Apparaissent aussi les territoires dans lequel les groupes ont des identités ancrés. La culture y est de même introduite. La préoccupation est désormais le développement durable.

2. Un ordre existe! Mais lequel?

Chercher la causalité, c'est avant tout tenté d'établir un ordre des choses, et d'en déterminer l'origine.
Il semble d'abord que se soit avant tout une question de logique. Mais ce n'est pas si simple, car chaque époque à sa logique qui lui est propre, et chaque être humain a son « idée » de la logique! C'est à ce type de problème que vont se confronter dans leurs recherches.

2.1. Milieu et déterminisme, analyse de situation et possibilisme

Doit on prendre en compte le milieu comme facteur d'explication de la réalité géographique?
C'est ce que propose les 4 grands types d'environnementalistes utilisés par les géographes: l'hippocratique, le sensualiste, l'herdérien et l'évolutioniste:
-L'environnementalisme hippocratique: pour Hyppocrate, étudier l'influence de l'environnement sur la santé des êtres, c'est préciser les correspondances qui s'établissent entre le macrocosme (en géographie le milieu local) et le microcosme (les humeurs des êtres vivant). Sa théorie fut utilisée, tant en médecine, qu'en philosophie jusqu'à la fin du XVIII ème siècle. En géographie et en histoire, elle est présente dans les tableaux de Vidal de la Blache et de Michelet. Les rapports entre les éléments sont vagues et élastiques c'est pourquoi elle a eu aussi longtemps l'aval des penseurs et intellectuels.
-L'environnementalisme sensualiste: d'après le sensualisme, l'esprit de l'enfant est comme une cire vierge qui est modelé par les sensations qu'il reçoit, d'où l'apparition de l'environnement. Thèse surtout psychologique, elle va prendre de l'importance en géographie avec le développement des politiques urbanistes.
-L'environnementalisme Herdérien: selon Herder, dans leur développement, les peuples ne suivent pas tous la même trajectoire. Ceux qui réussissent sont ceux qui développent une culture en harmonie avec le milieu dans lequel ils sont installés. Les relations établies sont floues, ce sont des correspondances. C'est d'ailleurs pour cela qu'elle n'a pas convaincu l'esprit des géographes, à l'époque férus de scientificité.
– L'environnementalisme évolutionniste: on lui préfère donc ce type d'environnementalisme. En géographie dans le cas du Darwinisme, il met l'accent sur la sélection des plus aptes et sur l'influence que le milieu exerce ainsi sur les aptitudes humaines. Cette vision de la géographie a eu des conséquences, car définissant en fin de compte des caractères propre à chaque race. C'est la vision de Ratzel, Haeckel et Morris Wagner. La lecture lamarckienne est un peu différente. Dans la mesure où elle met l'accent sur les possibilités d'adaptation des individus ou des groupes, elle conduit les géographes à ne pas se contenter d'une vision purement physiologique ou psychologique des influences du milieu. Car s'appuyant sur la culture, et met l'accent sur les genres de vie (c'est cette vision qui s'est imposée en France). Le problème de cette interprétation c'est qu'elle cesse d'être dans des sociétés modernes, urbaines et industrielles.

Les limites de cette vision se fait vite sentir durant et après la seconde guerre mondial.

Pour donner une vision un peu plus construite à cet environnementalisme il faudrait ajouter la prise en compte de la situation et de la circulation. La situation, c'est à dire les caractéristiques propres d'un milieu spécifique. La circulation, surtout utilisée en géographie humaine, pour démontrer que l'homme agit selon ses choix, et non pas seulement par déterminisme du milieu. Bien qu'il puisse exister des contraintes. Cette vision va être développée par Vidal de la Blache et Ratzel, en évitant cependant les interprétations trop déterministes.
C'est l'échec des interprétations évolutionnistes trop restrictives, et le succès des autres, établissant une causalité distendu (Hyppocrate et Herder). Les textes du XX ème siècle témoignent de cette situation. On met l'accent sur le genre de vie, l'inventivité des hommes, et la circulation qui permet de se détacher des déterminations locales.
Un Historien, un dénommé Lucien Febvre, va se faire un grand défenseur de cette géographie accordant sa place à l'initiative humaine. Pour cela il développe la formule énoncée par de Vidal de la Blache « La nature propose, l'homme dispose ».

2.2. Structuralisme, fonctionnalisme et systèmisme en géographie.

La géographie a du mettre de l'eau dans son vin.
En effet, celle- ci ne peut être reconnu comme une science, dans le sens positiviste du terme comme leur font remarquer les naturalistes. Elle donc est considérée comme une science « molle ». Pour acquérir ses galons, elle va devoir développer des concepts conciliant les parties physiques et humaines de la discipline, tout en échappant aux défauts des interprétations étroites de la causalité.
Nous entrons dans l'interprétation structurelle des faits, en sortant de la causalité mécanique. Les faits sont dépendants les uns des autres, et interagissent. On entre dans l'analyse de rapports complexes où la nature de l'objet étudié, et son expression spatiale se conditionnent mutuellement. Ce principe sera démontré consécutivement aux travaux de March Bloch et surtout (selon Claval) Roger Dion. L'analyse des milieux humanisés en commençant par la région et des espaces ruraux en montrent de bons exemples.
Se détache du concept de structure une autre notion découlant de cette dernière, la combinaison. Les faits physionomiques que découvrent les géographes sont les symptômes de la complexité du réel. Ils font comprendre les interrelations qui se déroulent à la surface de la terre, ne conduisent pas au désordre.
En s'intéressant aux structures, les géographes va devoir expliquer les facteurs combinatoires des structures, et d'en préciser le fonctionnement, d'ou le fonctionnalisme. Elle va s'imposer, pour différencier les villes entre elles notamment au travers de leurs fonctions externes. De la fonction de la ville, on va passer durant les années 1930 à leur fonctionnement, face à des impératifs économiques. Il s'agit de comprendre le rôle des villes et de leur distribution au sein d'un espace économique. Ce sont les études de Walter Christaller (1933) qui initie cette vision, pour assurer à la totalité des populations des services, il est nécessaire qu'il y ait des lieux centraux, d'ou la distribution régulière de ceux-ci et de leur hiérarchisation. De la découle l'idée d'une loi spatiale, liée à la nécessité d'accès aux services pour tous. Cette répartition des lieux centraux résulte de la loi du marché, mettant en jeu des effets de rétroactions positives ou négatives, selon que la ville soit petite ou grande par exemple. Cependant, cette idée de loi spatiale va être critiquée, la distribution régulière des lieux centraux, ne suivant pas la même logique selon le pays et l'époque, comme l'ont prouvés les travaux de James Vance Jr dans un travail sur le commerce en gros aux Etats-Unis. La conclusion à en tirer, c'est que les approches fonctionnelles sont utiles en géographies mais ne permettent pas de proposer de modèles causaux généralisables.
La troisième place des tentatives pour donner un schéma causal cohérent en géographie et l'interprétation systémique, basée sur l'étude des feed-backs, soulignant le rôle des configurations en boucles permettant à des flux de matière ou d'énergie circulant en système permettant d'agir sur ses entrés de manière à en assurer le fonctionnement régulier. Le monde est ainsi composé de deux ensembles, ceux que l'on étudie et celui qui lui est extérieur, entre les deux, il y a des liaisons, soit des flux de matières, d'énergie ou d'information qui rentrent et sortent du système. C'est l'interprétation faite dans le concept de géosystème englobant à la fois les éléments physiques, biologiques et humains. Le but ultime de la recherche étant de simuler le réel! Mais le chantier est trop grand. Il est impossible de tout quantifier, et la simplification fait perdre au systèmisme ses avantages théoriques. Y englober les hommes, reviendrait a faire entrer ces derniers dans un cadre déterministe. Et de plus, la complexité des systèmes et telle qu'il est impossible de savoir dans quel sens ils vont évoluer. Mais cela reste tout de même une bonne piste.

2.3. Les révolutions postnaturalistes et posfonctionnalistes.

Ces trente dernières années la recherche en géographie, a fait place à de nouvelles perspectives, une rupture épistémologique qui s'est faite dans le monde anglo-saxon et n'intéresse qu'en marge les chercheurs français. On s'intéresse désormais au futur. Bien évidemment il n'existe qu'au travers des discours qu'il suscite et aux images que l'on s'en fait. On ne s'intéresse plus aux réalités x tangibles, mais aux manières de parler du monde et de le peindre, car cette vision englobe le passé, le présent et le futur (envisagé).

C'est l'irruption de la phénoménologie qui va modifier les positions des géographes, jusque-la matérialistes dans leur conception de la géographie. L'ouvrage de Heidegger traduisible littéralement en français l'être-la traduit en l'homme et la terre par Eric Dardel est le point d'ancrage de ce changement. Cette redécouverte majeure de l'oeuvre de Heidegger va toucher l'enquête géographique, qui va après cela, donner une place croissante à la manière dont les gens vivent les lieux qu'ils habitent. D'ou l'intérêt pour le futur. C'est avec le développement d'une géographie radical et engagé dans les années 1960 que l'on commence à parler de production d'espace. Dans laquelle, L'homme y jouerait un rôle décisif, et façonnerait le monde en conformité à ses rêves. C'est tout du moins la thèse défendu par Henri Lefèbvre philosophe et sociologue. C'est une lecture volontariste et simplificatrice de la géographie, mais bien entendu vivement critiquée. Elle démontre cependant que la capacité des hommes à se projeter dans le futur leur donne le pouvoir de créer un réel conforme à leurs aspirations. Ce futur que font les hommes pour donner un sens à leur vie.
Mais après cela que reste t'il?
Il reste le débat que les historiens des annales n'ont étonnamment pas tenu durant les années 70-80. Celui de la modernité. Pourquoi? Car ces derniers privilégient dans leurs interprétations basées sur les structures socio-économiques, l'étude des mentalités leur sert à mesurer combien les époques ou les sociétés du passé diffèrent du monde actuel. Ils ne s'attachent pas à la dimension culturelle des âges, notamment l'âge industriel. Ces attitudes ne sont pas les mêmes qu'en Grande-Bretagne, ou l'on travail sur les modes de production des représentations, jouant un rôle important dans la dynamique historique. Le débat sur la modernité a une dimension politique. Il a une portée esthétique: à partir du moment où l'on a cessé de croire qu'il existe une beauté idéale indépendante du temps et du lieu, il n'y a plus de repère. La seule vérité qui compte à ce moment, reste donc l'avant garde. Idem, pour l'histoire, nous vivons dans un monde en transformation, c'est l'essence de la modernité. Le but pour l'intellectuel dans le domaine des idées sera de saisir ce qui est nouveau, pour dégager les lignes de force des évolutions en cours pour saisir au moins partiellement le sens des transformations de la société, et d'adhérer aux valeurs qu'elles comportent et de faciliter les mutations en cours. Pour les théoriciens du XIX ème et du XX ème siècle, la modernité devrait être un mouvement indéfini dans lequel l'humanité aboutirai à un dessein final. L'histoire serait donc accomplie! Bien évidemment cette idée va par la suite être vivement critiqué de part la collusion qui peut exister entre modernité et totalitarisme, la perte de force des idées à se confondre avec l'émergent et sa prétention à apporter la fin de l'histoire.
Avec cette critique, émerge par la, le post-modernisme. La post modernité se distingue de la modernité par la place différente qu'y tiennent l'espace et le temps. Dans la modernité, c'est le temps qui tien la première place. Tout est ramené à l'évolution. La durée constitue la donnée essentielle pour celui qui veut comprendre la société. L'espace ne joue qu'un rôle secondaire. On a sur le plan universitaire la réussite de la science historique par rapport à la géographie. Le post-modernisme, c'est l'inverse. Les hommes ont cessés de se battre pour que leurs enfants connaissent un avenir meilleur, on aspire désormais à vivre dés maintenant, dans des cadre qui correspond à nos aspirations. Ce qui compte, ce n'est plus la durée, mais l'espace. Maintenant certain acceptent, d'autres réfutent, maintenant la primauté de la durée sur l'étendue.
Paul Claval ajoute une nuance à ce constat, ou il ne voit pas une opposition espace-temps dans la dialectique modernisme et post-modernisme, mais de conception de durée lorsqu'elle est projetée ainsi dans l'avenir. Il est vrai que cela n'a plus le même sens.
Il est donc nécessaire de s'intéresser plus particulièrement au processus de construction du futur. Dans ce domaine les valeurs y jouent un rôle important. Mais ne doit pas être surestimé, car celles ci bien qu'énoncées, ne sont souvent pas respectées, c'est donc qu'il y a d'autres facteurs à prendre en compte. Il y faut aussi tenir compte des effets d'attentes, les espoirs nourris par le présent qui jouent aussi dans ce jeux. Les horizons d'attentes peuvent ainsi être religieux, ou profanes. Quelles sont les motivations qui poussent ainsi les hommes à se projeter dans le futur? La cause première, c'est la peur de l'inconnu, et l'insécurité. Cette perspective est permise par des éléments constants ou relativement que sont chez les individus la personnalité et l'identité. Cette dernière est en grande partie forgée par les territoires et les lieux qui sont avant tout des espaces vécu et de mémoire.

2.4. Vers un espace vecteurs d'identité.

Le sens de la géographie change, les géographes doivent désormais déconstruir pour découvrir les intérêts de chacun pour parler de ce qu'il voit autour de lui, en travaillant sur les discours et les représentations. Cependant malgré le fait que les géographes savent débusquer les forces qui limitent la liberté des individus, imposent certaines catégories, ils n'ont en revanche rien à proposer de positif. Le problème de cette vision des choses typiquement anglo-saxonne, c'est qu'elle fait perdre à la géographie sa matérialité, c'est à dire son âme.
Les français vont donc remettre en cause cette géographie, en appuyant sur l'importance de l'action et des pratiques auxquelles elle donne lieu. Ce sont les travaux d'Augustin Berque qui insistent sur ce point, au travers de son ouvrage L'Ecoumène (2000). Les hommes agissent souvent sans expliquer les raisons de ce qu'ils entreprennent, ils cherchent à obtenir un résultat, à créer quelques chose: c'est la part de futur qui les animent.
Nous sommes donc aujourd'hui dans des schémas projectifs d'interprétation. Les frontières disciplinaires s'estompent, notamment celles qui séparaient les disciplines de l'aménagement et de la géographie de part ces propensions à effectuer des prévisions. L'opposition entre géographie scientifique et connaissances vernaculaires est de même. La recherche ne peut ignorer les formes banales du savoir géographique. Le géographe suit ainsi l'action humaine, en démonte les étapes successives mais il est incapable de la modéliser. Il a substitué à une capacité illusoire de prévision, une compréhension réelle des voies qui modèlent l'avenir. L'espace des géographes n'est plus considéré comme étant la base des pyramides écologiques, et le support des activités et un obstacle à la vie... C'est l'homme le principal acteur. L'homme qui cherche à s'affirmer en marquant de sa présence les milieux ou il vie, ainsi que les espaces publics ou tous se rencontrent. Le paysage acquiert, cette fonction de véhiculer l'expression de l'identité des individus, des groupes.


Conclusion:

La complexité. Voilà la notion clef qu'il faut retenir de cet exposé sur la causalité et géographie. La causalité mécanique, exposée au début de l'ouvrage qui est issu de la physique Newtonienne, va vite se voir dépassée par les événements et les remises en cause épistémologiques. Les facteurs d'explication en géographie sont divers et variés. Ils renvoient à des structures temporelles de causalité qui ne sont pas les mêmes: séquentielle dans le cas de la diversité des milieux, simultanée dans le cas de la distance, rétroactive dans le cas des images et des discours. Toutes ces approchent ont nécessitées des appréhensions du réel relativement différentes, qu'elles soient naturelles, économiques et sociales, ou bien des représentations. Dans ce sens les approches pluridisciplinaires permettent d'éclairer les problèmes sociaux par des jeux de différents facteurs. Ainsi l'apport de l'histoire d'après Claval, réside dans l'existence de dynamismes propres à la matière vivante, aux jeux de l'innovation, à la diffusion des savoirs. On peut dire qu'elle apporte donc aussi sa pierre à un édifice commun. En fin de compte, les mutations contemporaines, et revirement épistémologiques en géographie conduisent à aborder l'espace, en s'attachant à la façon dont les individus donnent à voir, mettent en scène leur vie et se battent pour rendre leurs identités manifestes. Dans cette perspective le paysage porteur des relations terre-homme reflète les utopies et rapports de force chez les êtres humains, dont la volonté est d'être reconnue. La conclusion provisoire à tirer de cette fiche de lecture, c'est que déterminer les causes du réel n'est pas si évident que cela , tant les sphères de cette réalité et les approches possibles sont nombreuses. La causalité n'est donc pas le déterminisme du réel, mais l'appréhension des idées que nous nous en faisons, et de nos actions face à un environnement plus ou moins contraignant.

3-Critiques:

La critique qui peut être faite ici, ne dépasserait pas le stade atteind au travers de l'explication rondement menée par son rédacteur Paul Claval.
Pourquoi?
Car celle ci avant d'être démonstrative comme je m'y attendais avant la lecture, s'est trouvée être descriptive et explicative, ce qui ne signifie pas que son auteur n'est pas son point de vu. Le passage du principe de causalité en physique, aux sciences sociales, ne se fait pas sans remous, bien au contraire. Elle y perd en clareté et en détermination, mais s'enrichi notablement. La causalité, c'est le big bang originel des sciences sociales! Tout avance à partir d'elle... Mais il ne faut pas confondre nos rêves avec la réalité. La simulation du réel n'est pas pour demain. Bien que l'intérêt de l'auteur pour la causalité systèmique défendu par le Russe Sochava et George Bertrand soit limité, elle semble à mon égard assez prometteuse. Partant de la géographie physique, elle intégre le bios et l'anthropos dans un système englobant tout un ensemble de donnés, permettant d'établir des modèles prédictifs à terme, c'est d'ailleurs de ce type d'analyse qu'est née la métérologie moderne, qui bien qu'aléatoire à su faire ses preuves. Et elle contribu à confirmer l'hypothése que j'ai posée dans mes précedentes fiches de lecture pour regrouper les différentes sciences (biologie, science physique et humaine). Il est vrai que de part sa complexité et son énormité, ce modèle déçoit beaucoup, il reste une utopie! C'est pourquoi les hommes se sont retournés vers eux-même pour trouver de nouvelles solutions et perspectives de cette géographie qui est désormais des discours et de l'action.

Et l'historien dans tous ça?

L'histoire doit se trouver une place. Depuis les années 1990, il semble qu'elle est du mal à se situer par rapport à ces nouvelles perspectives et par les nouveaux outils techniques mis à sa disposition. Sans parler de l'insuffisance des moyens mis à la disposition de la recherche dans notre pays . La french theory qui faisait alors fureur en Amérique et dans le monde entier, ne suit plus aujourd'hui. Sans être stérile, il semble qu'il y ait un courant de recherches à deux vitesses. D'un côté, le monde anglo-saxon, avec comme figure de prou les Etats-Unis devient le centre de gravité de la pensée, de l'autre, la France qui est la traine. Cependant, le bagage historique de l'école française et tel, qu'elle aura toujours un train d'avance sur le plan des concepts, d'autant plus qu'elle se différencie du monde anglo-saxon par le fait qu'elle associe l'enseignement à la recherche. C'est au contact de ses contemporains que l'on comprend bien le monde qui nous entoure.
Sur le plan conceptuel, le risque vient de l'éclatement de l'histoire, et de son éloignement d'une interprétation systèmique, condition sine qua non pour rendre compte des multiples facettes de cette réalité, non pas dans le but de la simuler comme en géographie, mais d'être fidèle au réel. Pour cela l'histoire devra intégrer un nouvel objet de recherche: non plus seulement l'homme mais son immanence. C'est à dire sa raison atemporelle, son moteur. Jean François Dortier en a déjà donné une bonne « idée » précedemment. Et la géographie dans son sens a démontrée que cette immanence devait cohéxister avec son milieu, provoquant alors des dynamiques causales fluctuantes, que ce soit dans le passé, le présent ou le futur. La nécessité d'un ordre, ou du chaos pouvant découler sur un ordre, prouve que tout est possible, rien n'est irrémédiable dans cette fléche du temps, si ce n'est la mort. Et même celle-ci, aussi incroyable que cela puisse paraître, a ses propres dynamiques dans un cycle qui semble bien établi.
« Rien ne se crée, tout se transforme » dis t'on en physique, il semble que ce précepte s'applique aussi aux sciences humaines et en histoire en particulier. N'en déplaise aux opposants du relativisme.





ANNEXES






Bibliographie du même auteur.


-Paul CLAVAL, Géographie générale des marchés, Paris, les Belles Lettres, 1963.

-Paul CLAVAL, Essai sur l'évolution de la géographie humaine, Paris, les Belles Lettres, 1964.

-Paul CLAVAL, Régions, nations, grands espaces. Géographie générale des ensembles territoriaux, M.-Th. Genin, Paris, 1968.

-Paul CLAVAL, La pensée géographique. Introduction à son histoire, Paris, SEDES, 1972.

-Paul CLAVAL, Principes de géographie sociale, Paris, M.-Th. Genin et Litec, 1973.

-Paul CLAVAL, Espace et pouvoir, Paris, PUF, 1978.

-Paul CLAVAL, Les mythes fondateurs des sciences sociales, Paris, PUF, 1980.

Paul CLAVAL, « Les trois niveaux d'analyse des genres de vie », in: Bahrenberg, G., J. Deiters., M. M. Fischer, W. Gache., G. Hard, G. Loffler (dir.), Geographie des Menschen. Dietrich Bartel zum Gedanken, Bremer Beiträge zur Geographie und Raumplannung, Heft 11, pp.73-85., 1987.

-Paul CLAVAL, Les géographes français et le monde méditerranéen, annales de la géographies, vol. 97, n°542, pp.385-403. 1988.

-Paul CLAVAL, L'epistémologie de la géographie, in: Pierre Desplanque (dir.), La géographie en collège et en lycée, Paris, Hachette, pp 24-57. 1994.

-Paul CLAVAL, Singaravélou (dir), Les ethnogéographies, Paris, l'Harmattan, 1995.

-Paul CLAVAL, Histoire de la géographie, Paris, PUF, 1995.

-Paul CLAVAL, Histoire de la géographie française de 1870 à nos jours, Paris, Nathan, 1998.

-Paul CLAVAL, Epistémologie et géographie, Paris, Nathan, 2001a.

-Paul CLAVAL, « la révolution post-naturaliste et post-fonctionaliste », in Jean-Pierre Thumerelle (dir.), La causalité en géographie, Paris, SEDES, 2001b.

-Paul CLAVAL, La géographie culturelle, Paris, A. Colin, 2° édition remaniée, 2003.

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